Tris Acatrinei, de Projet Arcadie : « Je suis un peu punk, mais je parle avec tout le monde »

Fabrice Pozzoli-Montenay
3 min readSep 10, 2018

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A 33 ans, Tris Acatrinei manage seule la plate-forme « Projet Arcadie ». Cette base de données permet une cartographie et une centralisation des informations concernant les députés et les sénateurs français. Elle croise de multiples informations souvent cloisonnées : collaborateurs, réserves parlementaires, activité politique, mandats… Un « must » pour tous ceux qui suivent la vie parlementaire.

Avec sa formation de juriste, et un goût pour les nouvelles technologies, Tris Acatrinei a commencé son parcours comme Community Manager à l’Hadopi. « Cela m’a permis de mettre les mains dans le code » se remémore-t-elle. Elle en claque la porte assez rapidement, en reconnaissant qu’elle a « une mentalité un peu punk ». Ce qui ne l’empêche pas de devenir attachée parlementaire en 2014 : « le député cherchait quelqu’un qui s’y connaisse en informatique, avec un bagage juridique ; un profil de « couteau suisse », pas une militante ». Elle ne donnera pas le nom de cet ancien ministre : « on penserait que je m’en sers ». Elle démarre à sa demande un outil de suivi de la primaire de l’UMP, qui évoluera progressivement vers l’actuel Projet Arcadie. Elle s’en ira suite à l’affaire Bygmalion : « cela a été un vrai choc, j’étais malheureuse ».

Elle poursuit son ouvrage seule, en indépendante. « J’ai tout créé, tout construit, en bossant jour et nuit ». Le modèle initial se base sur un abonnement payant. Le succès n’est pas au rendez-vous. « Je n’avais pas de trésorerie, je ne suis pas une commerciale » reconnaît-elle. Elle songe à laisser tomber, abandonne le modèle payant. Quand, en janvier 2017, éclate l’affaire Fillon. « C’a été l’explosion » se souvient-elle. En quelques jours, journalistes, élus et grand public se passionnent pour les collaborateurs parlementaires, leurs liens familiaux. La consultation de la base explose. « C’est alors que j’ai fait évoluer mon projet d’un outil de micro-lobbying à un outil d’information et de lutte contre la corruption. » Elle met en place un système de dons, avec l’objectif d’atteindre 2000 euros par mois. La base est mise à jour en permanence, en croisant et récoltant toutes les informations disponibles. « Je parle avec tout le monde, tous les élus, qu’ils soient FN, PS, LR… Ils me contactent pour préciser une information, corriger un nom » affirme-t-elle. Très présente sur les réseaux sociaux, elle joue de sa gouaille naturelle, qui devient parfois un cynisme assumé, ce qui lui a valu quelques inimitiés dans le milieu policé des amoureux de la chose publique.

Aujourd’hui, elle réfléchit à faire évoluer le Projet Arcadie. Il faut d’abord stabiliser les dons, pour assurer les frais généraux. Puis elle envisage de faire « une carte des micro-partis » et de « faire des petites sœurs du projet Arcadie en Europe. » En Roumanie, où elle a des attaches. Et peut-être en Espagne. Les exécutifs locaux français l’attirent aussi, mais « il faut vérifier les données avant de les intégrer, ce qui pose un gros souci car il me faudrait agrandir l’équipe au vu de la tâche. » L’extraction de données concernant les communes s’annonce aussi complexe, en l’absence de format simple à exploiter. Et les intercommunalités n’apparaissent pas sur la plate-forme, car il manque une base de données publiques exploitable. « Et existe-t-il vraiment une demande ? » s’interroge-t-elle.
Et si on lui proposait d’acheter la plate-forme ? « Cela dépendrait de la proposition. Avant l’affaire Fillon, j’étais prête à vendre au premier venu ; aujourd’hui je suis plus exigeante. »

Projet Arcadie : https://projetarcadie.com

Fabrice Pozzoli-Montenay
article publié dans CourrierCab — février 2018

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Fabrice Pozzoli-Montenay

Written by Fabrice Pozzoli-Montenay

Journaliste, affaires européennes et coulisses politiques

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